Cinq élèves de de la classe de 3 ème 4 (Blein-Bethel, Malhet, Ammanuel, Bethanya et Elias), se sont rendus, accompagnés de leur professeur d’histoire-géographie et de Mr le proviseur, à l’Ambassade de France pour la commémoration de la fin de la 1 ère Guerre Mondiale. A cette occasion, ils ont pu lire le récit de cet évènement fait par un soldat au front. Un moment très émouvant !

Adam Frantz, Sentinelles Prenez Garde à Vous…, Paris, Legrand éditeur, 1931,

L’auteur est alors médecin-chef au 23ème R.I. Le 11 novembre 1918, il se trouve en Belgique.

« On continue de progresser, mais dans la soirée un passage de ligne par le Quinze-Deux nous vaut de dormir tranquilles dans le petit village de Maereke-Kerkhem, alors que se déroule un des plus formidables événements de l’Histoire moderne.

Après m’être reposé quelques heures sur le plancher d’une salle d’auberge où nous étions cantonnés, mon personnel et moi, je m’étais levé de bonne heure, ce onze novembre 1918, afin d’écrire au ministère dont je dépendais comme fonctionnaire pour demander un poste à l’asile alsacien de Rouffach. Je procédais ensuite à ma toilette quand une brave femme entrant dans « l’estaminet » annonce qu’un officier vient de dire à des soldats que la guerre était finie.

D’un bond je suis dans la rue où je trouve quelques hommes qui me confirment le fait : un commandant d’artillerie leur a lu un radio annonçant la fin des hostilités ; ces hommes n’ont du reste pas l’air convaincus de la véracité de cette nouvelle et ne songent en tous cas pas à la propager. Je me précipite chez le colonel Oehmichen encore au lit. Il ne croit pas non plus la chose possible, a peur que l’on ne fasse courir de faux bruits, et me charge de retrouver cet officier et de le lui amener, ce que je fais. Il faut se rendre à l’évidence ; ce chef d’escadron n’est pas un enfant ; il a le radio en main et affirme que c’est bien notre T. S. F. qui l’a transmis ; du reste le texte a une allure très officielle. Les soldats, que j’ai informés de l’événement au cours de mes pérégrinations, ne savent s’ils doivent me croire ; Petit à petit cependant, chacun se rend à l’évidence.

Cette nouvelle ne produisit pas sur les hommes, l’effet que l’on pouvait en attendre. Etait-ce, comme je l’écrivis à l’époque, que quatre années de guerre avaient émoussé tous nos sentiments ? Etait-ce que nos soldats comprenaient que le succès, si grand qu’il puisse être, ne saurait jamais compenser les pertes atroces que nous avions subies ?

Quoiqu’il en soit, ce 11 novembre 1918 ne différa pas sensiblement, au Front, d’un autre jour de guerre. On aurait pu se croire en réserve dans un secteur tranquille. Le Poilu demeura calme n’ayant même pas de pinard à acheter pour arroser la victoire. Aux trains de combats et chez les artilleurs, on tira quelques fusées désormais inutiles. A l’arrière paraît-il, la joie fut grande et digne. A Paris elle fut délirante ; le civil en liesse, l’embusqué en rut, le convalescent et le permissionnaire gagnés par l’ambiance, déferlèrent sur les boulevards traînant des canons, bousculant les taxis, raflant les calots, lutinant les femmes.

Pour moi je pensais tout d’abord à la joie des miens, appréhendant même qu’elle n’ait été fatale à mon vieil alsacien de père, me représentant ce que devait être celle de ma mère songeant au retour de l’enfant prisonnier. »