HISTOIRE

1892 : Ras Teferi Makonnen naît à Harar. Son père, Ras Makonnen (1852-1906), gouverneur de la province de Harar (cette ville étant la plus peuplée de l’empire éthiopien jusqu’au milieu des années 1910), était un cousin de l’empereur Ménélik II (1844-1913, empereur de 1889 à 1913).

1900 : André-Marie-Elie Jarosseau appelé également Aba Andreas (1858-1941), catholique français, succède à Monseigneur Taurin Cahagne à la tête du « Vicariat apostolique des Oromo » dont le siège était Harar. Ces deux hommes, avec le docteur Joseph Vitalien à partir de 1901 (médecin français originaire de la Guadeloupe alors à la tête de l’hôpital de Harar) et Aba Samuel participèrent à l’éducation de Ras Teferi Makonnen à Harar, désormais francophone.

1916 (27 septembre) : Zawditou, fille de Ménélik II mort en 1913, devient impératrice (couronnement officiel à Addis-Abeba le 11 février 1917) et Ras Teferi Makonnen devient régent. Le 07 octobre 1928, Ras Teferi Makonnen devient negus (roi). L’impératrice Zawditou meurt le 02 avril 1930, Ras Teferi Makonnen devient l’empereur Haïlé Sélassié I le 03 avril 1930 et sera couronné officiellement à Addis-Abeba le 02 novembre 1930.

1924 (mai) : voyage en Europe de Ras Teferi Makonnen (France, Italie, Royaume-Uni).

1936 (30 juin) : discours de Haïlé Sélassié I devant la Société des Nations (SDN) à Genève, en Suisse. Dans ce discours, il dénonce l’invasion de son pays, l’échec de la SDN et se veut prophète, puisqu’il annonce les futurs malheurs des Européens. Si l’amharique fut la langue du discours, les deux premières phrases furent prononcées en français : « Je prie l’Assemblée de m’excuser si Je ne m’exprime pas en français comme je l’aurais voulu. Je dirai mieux toute Ma pensée, avec toute la force de Mon esprit et de Mon cœur, en parlant en langue amharique. »

L’importance de la francophonie en Ethiopie jusqu’en 1935-1936

1897 : Léonce Lagarde, gouverneur de Djibouti, devient le premier ambassadeur de France auprès de l’Éthiopie. Le terrain actuel d’une quarantaine d’hectares fut « donné » à la France en 1907 par l’empereur Ménélik II, avec 40 serfs, pour ne pas dire esclaves, installés dans un village au cœur de la Légation, c’est-à-dire de l’Ambassade.

1907 : le Frère de St-Gabriel, Félix de Nole, créé la première école primaire franco-éthiopienne à Addis-Abeba pour préparer les élèves, seulement des garçons, au Certificat d’Études. Cette école, qui est alors placée sous le patronage d’un comité de l’Alliance française, annonce l’aventure de l’Alliance française à Addis-Abeba (il faudra attendre 1967 pour que l’Alliance devienne un acteur culturel, et 1968 pour voir se développer les premiers cours pour adultes).

1908 : ouverture de la première école gouvernementale à Addis-Abeba, l’école Ménélik II, entre Arat Kilo et Amist Kilo (aujourd’hui Ménélik II Comprehensive Secondary School). Le français, l’anglais et l’italien étaient langues d’enseignement.

1913 : création du journal francophone le Courrier d’Éthiopie à Addis-Abeba (1913-1936), journal le plus diffusé à la veille de l’occupation italienne (plus de 2 500 abonnés).

1914 : inauguration du Lycée d’Alexandrie en Égypte géré par la Mission laïque française, dans lequel furent envoyés, grâce au soutien de l’État éthiopien, une trentaine d’élèves éthiopiens dans les années 1920. Ce Lycée était alors dirigé par Marcel Fort, second du Secrétaire Général de la Mission laïque française de 1944 à 1949 et Secrétaire Général de la Mission laïque française de 1949 à 1965. Suite à la formation de ces premières élites éthiopiennes francophones, l’empereur se tourna donc naturellement en 1947 vers la Mission laïque française pour créer un lycée français à Addis-Abeba d’autant que Édouard Herriot, Président de la Mission laïque française de 1930 à 1957, Président de la Chambre des députés (1936-1940 ; 1947-1954) soutint Haïlé Sélassié I durant les heures sombres, c’est-à-dire durant l’occupation italienne de 1936 à 1941.

1917 : achèvement de la voie ferrée Djibouti-Addis-Abeba (Chemin de fer franco-éthiopien : début de la construction en 1897). La gare d’Addis-Abeba est inaugurée le 03 décembre 1929 (architecte français Paul Barrias). L’avenue de La Gare, bientôt Churchill Avenue, qui permet alors le transport des marchandises de la Gare à Arada-Piazza, cœur commercial d’Addis-Abeba (Mercato n’existe pas encore), devient un axe majeur.

1925 : ouverture du Lycée Teferi Makonnen à Addis-Abeba (aujourd’hui Entoto Technical and Vocational Education and Training School, au nord de l’Ambassade d’Égypte). Durant les dix premières années les directeurs furent des instituteurs français : Messieurs Rebeaud, Thomassini, Garricoix, Havard et Garrigue. Les professeurs étaient Libanais et Éthiopiens. A la fin de chaque année scolaire un groupe d’élèves était présenté devant le Jury du Certificat d’Études primaires qui siégeait une fois par an à la Légation de France (l’Ambassade). En 1935, il y avait 150 élèves éthiopiens et 20 élèves européens.

1929 : création de l’école Saint-Georges (à proximité de l’église Saint-Georges à Arada-Piazza). L’enseignement primaire était alors donné en français. En 1935, l’école dirigée cette année là par un Éthiopien, Alaka Yuouftané, accueille 200 garçons et filles.

1930 : création du Lycée Haïlé Sélassié I – Institut des Arts et Métiers (enseignement primaire, secondaire et professionnel), aujourd’hui Kokobe Tsebah Comprehensive Secondary School, située à proximité de l’Ambassade de Russie. Les cours étaient donnés en français par des professeurs libanais et éthiopiens. En 1935, l’école dirigée par un Libanais, Monsieur A. Malhamé, accueille une centaine d’élèves.

1931 : ouverture à Addis-Abeba de la première école pour fille, l’école Itegue Menen (ou Empress Menen School), aujourd’hui Yekatit 12 Secondary School, à Siddist Kilo (l’impératrice Menen était l’épouse de l’empereur Haïlé Sélassié I). La première directrice de cette école fut la Française Madame Garricoix (Mesdames Havard et Garrigue lui succédèrent jusqu’en 1935). Des Françaises et des Libanaises furent enseignantes durant les premières années d’existence de cette école. A la fin de chaque année scolaire un groupe d’élèves était présenté devant le Jury du Certificat d’Études primaires qui siégeait une fois par an à la Légation de France (l’Ambassade). Il y avait 80 élèves en 1935.

Puisque les anciennes élites sont décimées, il en faut en former de nouvelles, en langue anglaise

1935 (03 octobre) : les troupes italiennes envahissent l’Éthiopie.

1936 (mai) : Haïlé Sélassié I quitte l’Éthiopie le 02 mai ; les Italiens entrent dans Addis-Abeba le 05 mai ; Victor Emmanuel III, roi d’Italie, est proclamé empereur d’Éthiopie le 09 mai.

1937 (08 février) : mort au combat du Dedjazmatch Guebre Mariam Gari (1874-1937) à Mareko. Le Lycée franco-éthiopien sera le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam en souvenir de ce Patriote, de ce résistant.

1941 (mars) : le général de Gaulle est en Érythrée pour décorer des soldats français. La campagne d’Érythrée fut en effet la première intervention militaire des Forces Françaises Libres (les FFL déplorèrent 150 morts durant cette campagne), ce qui permet de comprendre cette visite symbolique du général de Gaulle. Les FFL, alors sous commandement britannique, ne participèrent pas à la libération d’Addis-Abeba.

1941 (05 mai) : Haïlé Sélassié I entre dans Addis-Abeba, ville libérée quelques semaines auparavant par les Britanniques ainsi que par les troupes de l’Empire britannique (Indiens, Sud-Africains, Kényans…). Selon Sylvia Pankhurst, 75 % des jeunes diplômés et intellectuels éthiopiens furent assassinés durant l’occupation italienne. Il faut donc former de nouvelles élites.

1942 (janvier) : accord anglo-éthiopien. L’indépendance de l’Éthiopie est reconnue, mais un statut spécial est accordé aux Britanniques, en particulier dans le domaine linguistique (la langue anglaise devient la langue de l’enseignement ainsi que la langue de l’administration). Un second traité anglo-éthiopien est signé en 1944 : fin du statut spécial pour les Britanniques, mais la région du sud-est peuplée par des Somali reste sous contrôle britannique, tout comme l’Érythrée, jusqu’aux années 1950 (1952 pour l’Érythrée). A Addis-Abeba, la conduite automobile se fait désormais à l’anglaise, c’est-à-dire conduite à gauche, jusqu’en 1964.

1942 : création du British Council à Addis-Abeba (le bâtiment qui abrite cette institution, auparavant localisé à Arada-Piazza, est aujourd’hui situé dans l’enceinte de l’Ambassade du Royaume-Uni à Addis-Abeba).

1946 (avril) : le British Council soutient la création d’une école de garçons, aujourd’hui mixte, à Addis-Abeba, la General Wingate School.

1949 : l’école anglaise Sandford School, ouverte quelques années auparavant, emménage sur son terrain actuel, à proximité de l’hôpital Ménélik II.

La volonté de l’empereur de limiter l’influence britannique

1943 (août) : accord d’assistance mutuelle entre l’Éthiopie et les États-Unis suite à la volonté de l’empereur de contrecarrer l’influence grandissante des Britanniques en Éthiopie : construction en 1943 d’une base militaire états-unienne en Érythrée, la Kagnew Station (1943-1977) ; rencontre entre Haïlé Sélassié I et le président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt en Égypte en février 1944 ; création de Ethiopian Airlines avec le soutien de la compagnie états-unienne TWA en décembre 1945…

1947 (21 novembre) : échange de lettres entre les gouvernements français et éthiopien. Le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam est créé. La Mission laïque française en sera le gestionnaire. Le monopole britannique concernant l’éducation est alors battu en brèche.

Le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam, un élément de présence française en Ethiopie.

1948 (janvier) : arrivée de l’équipe « enseignante » du Lycée à Addis-Abeba (Mesdames Renée Severac et Jeanne Boyer, et Messieurs Louis Severac, Pierre Legarrec, Robert Monti, Maurice Boyer) qui fut précédée par le Proviseur Edouard Berlan en décembre 1947. Le bâtiment initial était l’actuelle Black Lion School.

1948 (mars) : le premier élève inscrit au Lycée fut Workou Tadesse, dont le père, Kegnazmatch Tadesse Zewolde, fut scolarisé au Lycée d’Alexandrie géré par la Mission laïque française. Le Lycée ouvre ses portes le 15 mars avec de 70 à 80 élèves selon Jeanne et Maurice Boyer (de 140 à 150 élèves durant cette première année scolaire).

1951 : publication de « Guetatcheou, le petit Éthiopien d’Addis-Abeba » par M. Legendre et des élèves de 7ème A du Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam dans Bibliothèque de travail, numéro 144, 28 février 1951.

1952 : création de l’Institut Pasteur d’Éthiopie à Addis-Abeba. L’essentiel de l’activité était la production de vaccins, mais il y avait également des unités de recherche en bactériologie, parasitologie… Depuis 2014, cet organisme est intégré à The Ethiopian Public Health Institute ou EPHI.

1952 : création de la Section française des Antiquités éthiopiennes, qui devient en 1966, la Ethiopian Antiquities Administration et en 1976, le Center for Research and Conservation of Cultural Heritage. Depuis 2000, ce centre de recherche est devenu The Authority for Research and Conservation of Cultural Heritage (ARCCH), qui dépend depuis 2001 du Ministère de la jeunesse, des sports et de la culture.

1952 (11 avril) : inauguration du Lycée par l’empereur Haïlé Sélassié I, en présence de René Mayer, de nombreuses fois ministre durant la IVème République et Président du Conseil (Premier Ministre) en 1953 ainsi que de Marcel Fort, Secrétaire général de la Mission laïque française. Le Lycée accueille alors 1031 élèves répartis en 25 classes.

1953 : les quatre premiers bacheliers du Lycée sont : Berhanou Abebe (docteur ès-lettres, 1932-2008), Ephrem Asfaw (docteur en médecine), Yohannes Kassa (mathématicien) et Ignace Kalos.

1953 (20-22 octobre) : visite privée du général de Gaulle au Lycée.

1955 : création de la Mission archéologique en Éthiopie, qui en 1991 devient La Maison française des études éthiopiennes et en 1997 le Centre français des études éthiopiennes (CFEE).

1955 : le Lycée compte 16 professeurs « détachés », diplômés de l’Éducation nationale française, tous instituteurs (Agnès et Guy Bernède, Maurice Boyer, Ginette et Pierre Comba, Georges Groisne, Michel Jonquin, Elisabeth et Marcel Legendre, Sonia Messemberg, Paul Lerebourg, Robert Monti, Albert Remoissonnet et Jean Vanderschricke) sauf le Proviseur Edouard Berlan et Mlle Michaux. Le Lycée compte également 17 instituteurs non diplômés, 1 secrétaire, 1 intendante, 7 « moniteurs » éthiopiens et 21 gardiens, femmes de ménages… (63 adultes pour un peu plus de 1 000 élèves, à comparer au 250 adultes pour 1 850 élèves aujourd’hui).

1955 : le Lycée accueille environ 1 100 élèves.

1958 : ouverture d’une section commerciale au Lycée qui se transformera jusqu’à sa disparition en 1979 (commerce, comptabilité, secrétariat…).

1958 : établissement de la Commission Économique pour l’Afrique à Addis-Abeba. Le Africa Hall (architecte italien, Arturo Mezzedimi), siège de la CEA fut achevé en 1961.

1950 (années) : 150 à 200 familles scolarisent leurs enfants au Lycée, sachant que chaque famille se voit offrir la scolarité gratuite à partir du troisième enfant (d’où de très nombreux enfants scolarisés par chaque famille).

1960 : l’école de l’Alliance éthio-française d’Addis-Abeba se transforme en Collège technique (enseignement commercial).

1960 : neuf enseignants français sont en poste dans les écoles gouvernementales éthiopiennes d’Addis-Abeba pour enseigner le français (et seulement deux en 1963).

1960 (décembre) : du 13 au 23 décembre, tentative avortée de coup d’État en Éthiopie. Le Lycée ferme du 15 au 21 décembre. Suite aux affrontements entre l’armée éthiopienne et la Garde impériale, 40 vitres du Lycée sont cassées, les toitures sont percées par des balles tout comme certaines maisons de professeurs alors construites sur le terrain du Lycée (pas de morts, peu de blessés, parmi les élèves et le personnel du Lycée).

1961 (juin) : tremblement de terre (l’épicentre se situe à 400 kilomètres au nord est d’Addis-Abeba : nombreuses répliques, dont les plus fortes mesurées à plus de 6 sur l’échelle de Richter). Les bâtiments du Lycée sont secoués.

1961 (30 septembre) : ouverture de l’internat de jeunes filles (68 pensionnaires en 1964, dont 44 de nationalité éthiopienne) qui fermera en 1979 (actuel bâtiment du CDI). Une cantine accueille à l’époque également des demi-pensionnaires. Il y a eu également un internat pour les garçons, moins important que celui des filles, au sud du terrain.

1961-1962 : les bâtiments du théâtre et du CDI du Lycée (architecte français, Henri Chomette) sont inaugurés.

1962 : neuf bacheliers du Lycée reçoivent des bourses pour poursuivre leurs études en France (en médecine et en sciences).

1963 (février) : publication par Jean Pénisson, professeur au Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam, de « Le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam, héritier d’une longue tradition d’enseignement français en Éthiopie » dans L’Éthiopie d’aujourd’hui, revue mensuelle en langue française publiée par le Ministère de l’Information, février 1963, numéro 9, Addis-Abeba.

1963 : le Lycée accueille plus de 1 500 élèves et de nombreux adultes qui suivent les cours du soir. 43 professeurs et instituteurs français, 9 maîtres éthiopiens et 2 étrangers encadrent ces élèves et adultes. Les deux tiers des élèves fréquentent les classes du Premier Degré, l’École Maternelle et les classes d’accueil (les élèves qui ne parlent pas le français sont admis en classe d’accueil, où ils suivent des cours intensifs et accélérés de langue française avant de rejoindre les classes « normales ») ; l’autre tiers fréquente les classes du Second Degré (préparation au Diplôme d’Enseignement Commercial, au Brevet d’Études du Premier Cycle et au Baccalauréat).

1963 : création de l’Institut vétérinaire national (National Veterinary Institute, NVI), à Debre Zeit (Bichoftu). L’essentiel de l’activité était la production de vaccins. La quasi-totalité du personnel éthiopien entreprit sa formation en France, dans des écoles vétérinaires ou à l’Institut Pasteur de Paris. Cet institut s’est doublé d’un centre universitaire dans les années 1980 (faculté vétérinaire qui dépend alors de l’Université d’Addis-Abeba).

1963 (mai) : adoption de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine à Addis-Abeba, et décision d’installer le siège de l’OUA à Addis-Abeba en août 1963 (conférence de Dakar au Sénégal). Sur les 32 pays signataires de la charte de l’OUA en mai 1963, 18 pays ont le français pour langue officielle, seul ou associé avec une autre langue.

1963 : publication de la thèse de doctorat de l’ancien Proviseur Edouard Berlan : Addis-Abeba, la plus haute ville d’Afrique, étude géographique, Université de Grenoble, Faculté des Lettres et Sciences humaines, Grenoble, 1963.

1964 (mars) : publication de Jean Pénisson et de ses élèves du Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam de « Quelques notes sur l’urbanisme et l’architecture modernes à Addis-Abeba » dans L’Éthiopie d’aujourd’hui, revue mensuelle en langue française publiée par le Ministère de l’Information, mars 1964, numéro 3, Addis-Abeba.

1964 (octobre) : présence de l’Empereur Haïlé Sélassié I au Lycée. L’établissement accueille alors 1731 élèves (dont 1 180 Éthiopiens, 136 Français, 130 Italiens, 33 Africains… et 2 apatrides) et 61 professeurs (dont 08 Éthiopiens). Madame Dubois dirige alors l’internat de jeunes filles.

1966 (août) : présence du Président de la République française Charles de Gaulle au Lycée. Inauguration du bâtiment des Sciences et signature d’une Convention culturelle entre les gouvernements éthiopien et français qui précise les nouveaux statuts du Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam (27 août 1966).

1968 : création de l’École Normale Supérieure de Français à Addis-Abeba (40 inscrits la première année) pour former en quatre ou cinq ans les professeurs de français qui enseigneront dans les écoles éthiopiennes (bâtiment de l’actuelle Black Lion School). Elle disparaîtra en 1980 (?).

1968 : l’Alliance éthio-française commence à donner des cours de langue pour adultes à 222 étudiants (cours du soir). Le Collège de l’Alliance éthio-française désormais géré par la Mission laïque française passe sous l’autorité du Proviseur du Lycée secondé par un Directeur spécialiste de l’enseignement technique.

1968 : les classes de Maternelle et de 11ème (actuel CP) du Collège de l’Alliance éthio-française sont installés au Lycée. Les classes techniques de l’Alliance éthio-française sont fusionnées avec les classes techniques commerciales du Lycée. A partir de cette année 1968, les autres classes du Collège de l’Alliance éthio-française vont être peu à peu intégrées au Lycée (rentrée 1970 pour les classes de 6ème et de 5ème par exemple).

1968 : création d’un Brevet éthiopien de fin d’études secondaires (épreuves en langue française, en fin de Seconde) équivalent du diplôme éthiopien Ethiopian School Leaving Certificate. Mise en place prévue pour 1969.

1968 : le Collège de l’Alliance éthio-française accueille désormais des classes de transition (6ème et 5ème) et des classes d’enseignement technique (mécanique et bâtiment et commercial, de nouveau, mais avec plus d’heures pour l’amharique et l’anglais qu’au Lycée). Les élèves en fin de 7ème (actuel CM2) ayant échoué à l’examen d’entrée en 6ème étaient envoyés en classe de transition. En fin de 5ème, les élèves pouvaient intégrer un enseignement commercial (aide-comptable ou employé de bureau, 4 ans d’études sanctionnées par le Brevet éthiopien de fin d’études secondaires option commerce ou par le CAP aide-comptable ou par le CAP employé de bureau), un enseignement de mécanique général (3 ans d’études) ou un enseignement des techniques du bâtiment (3 ans d’études).

1969 : création de l’École Technique Supérieure des Municipalités à Addis-Abeba (134 étudiants en 1973-1974), pour former des techniciens supérieurs en urbanisme, construction d’ouvrages et de routes, future École Supérieure d’Aménagement Urbain (ESAU). Les bâtiments abritent actuellement le MOST ou Ministry of Sciences and Technology.

1969-1970 : suite à un échange de lettres entre l’Ambassadeur de France en Éthiopie et le Ministre impérial de l’éducation et des beaux-arts, de nouveaux tarifs sont proposés pour les Lycéens : droits de scolarité mensuels (Éthiopiens et Français, 10 dollars éthiopiens ; étrangers tiers, 30 dollars éthiopiens), internat (Éthiopiens, 80 dollars éthiopiens par mois ; Français et étrangers tiers, 125 dollars éthiopiens par mois), demi-pension (Éthiopiens et Français, 25 dollars éthiopiens par mois ; étrangers tiers, 35 dollars éthiopiens par mois).

1970 : fin du Collège de l’Alliance éthio-française.

1970 : 155 professeurs français sont détachés en Éthiopie (écoles secondaires éthiopiennes et Lycée). Mais en parallèle, 655 volontaires du Peace Corps enseignent la langue anglaise en Éthiopie. En 1973, sur les plus de 20 000 élèves éthiopiens qui apprennent le français dans l’Empire, seulement 1 400 présentent le français à l’examen final éthiopien.

1973 (janvier) : présence du Président de la République française Georges Pompidou et de l’empereur Haïlé Sélassié I au Lycée, et inauguration des bâtiments de l’école élémentaire et de l’administration.

1973 : « Lorsque M. Pompidou devait en janvier 1973, venir en voyage officiel, il put constater les effets des accords conclu sept ans plus tôt sur le développement de l’étude du français : le français était matière obligatoire dans 28 établissements secondaires, où 70 professeurs français enseignaient leur langue à 27 000 Éthiopiens ; l’école normale supérieure formait 120 professeurs éthiopiens de français sous la direction de 6 professeurs français ; le lycée français comptait 1 920 élèves, dont 1 339 Éthiopiens et 41 professeurs français ; à l’Alliance française d’Addis-Abeba, d’Asmara et de Dire Daoua, 4 professeurs français donnaient des leçons à plusieurs centaines d’élèves ; deux établissements privés étaient subventionnés par le gouvernement français ; 5 professeurs enseignaient à l’Université, d’autres étaient affectés aux écoles militaires de la Marine, à l’Académie militaire de Harrar, à la base aérienne de Debre Zeit ; une centaine d’étudiants éthiopiens faisaient leurs études en France ; la radio diffusait en français ; deux périodiques de langue française paraissaient à Addis-Abeba (un quotidien, l’Addis Abeba, et un mensuel, les Nouvelles touristiques d’Éthiopie) ; enfin une partie importante des recherches archéologiques étaient confiées à une mission française. » Gontran de Juniac, Le dernier Roi des Rois, l’Éthiopie de Haïlé Sélassié, Plon 1979, L’Harmattan 1994, page 294.

1973 (avril) : l’empereur Haïlé Sélassié I visite de nouveau le Lycée pour les 25 ans du Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam.

1973 : publication par Jacques Beauchamp et Yves Lemoigne de Éléments de géologie locale, la géologie de la province d’Addis-Abeba (province du Shoa, Ethiopie). Cours à l’époque conçu pour les élèves du Lycée des niveaux 4ème et Première.

1972-1973 : famine dans le Wello et le Tigray. Les Lycéens se mobilisent : récolte de dons.

1974 : la France accueille 150 boursiers éthiopiens (mais ils sont 1 500 aux États-Unis et 600 dans les pays de l’Est).

Le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam durant la dictature socialiste (1974-1991)

1974 (12 septembre) : l’empereur est renversé. La monarchie est officiellement abolie le 22 mars 1975. Haïlé Sélassié I meurt étouffé, assassiné, le 27 août 1975.

1974-1991 : le Derg ou « comité des égaux », une junte militaire socialiste, gouverna l’Éthiopie d’une main de fer de 1974 à 1987, avec Menguistu Haïlé Mariam à sa tête, qui élimina ses concurrents à partir de 1977 (son fils aîné fut scolarisé au Lycée). Le Derg finit par « créer » en Éthiopie un parti unique, le « Parti des travailleurs éthiopiens » qui fut le seul acteur politique de la « République démocratique et populaire d’Éthiopie » de 1987 à 1991.

1974-1976 : la zemetcha ou « campagne de développement et d’alphabétisation » se met en place (des dizaines de milliers de lycéens et d’étudiants sont envoyés dans les campagnes pour alphabétiser les ruraux). Il y aura deux campagnes : 1974-1975 (« Campagne pour le développement et la littératie par la coopération ») et 1975-1976 (« Campagne nationale pour l’éducation primaire »).

1975 : 205 élèves du Lycée Guebre Mariam reviennent de la zemetcha (116 en 1976). Si certains de ces élèves, rares, réintègrent sans difficulté les classes « normales » du Lycée (Secondes, Premières, Terminales…), nombreux, après deux ans d’interruption et déçus de ne pas intégrer l’administration suite à ce sacrifice imposé sont réorientés dans les classes techniques (École Technique Supérieure des Municipalités, classes commerciales et bientôt les classes de topographie et de dessin du Lycée), intègrent l’Université éthiopienne ou finissent par rejoindre la vie active (certains deviennent alors professeurs au Lycée).

1975 (mars) : nationalisation des terres rurales et des propriétés urbaines louées non occupées par leur propriétaire. Il faut donc former des topographes, ce que fera le Lycée dès 1977, pour permettre la réalisation d’un nouveau cadastre.

1977 : le Lycée scolarise 1 957 élèves dont 1 433 éthiopiens, 154 français et 370 étrangers tiers. Le Lycée est subventionné chaque année à hauteur de 450 000 francs (frais de fonctionnement) par l’État français qui prend en charge quarante-trois postes d’enseignant français, dont un poste créé en janvier 1977.

1977 (mars) : création de 3 classes de topographes et d’une classe de dessinateurs au Lycée, à la demande du gouvernement éthiopien, suite à la nationalisation des terres. La coopération française développa une formation accélérée en quinze mois pour de futurs topographes et dessinateurs, pour qu’ils puissent travailler sur les nouveaux cadastres. Au total, cinq générations de techniciens furent formés (600 personnes : chaque promotion comptait 90 topographes et 30 dessinateurs), en français.

1978 : fin de la présence des Coopérants du Service National dans les écoles secondaires en Éthiopie, et abandon de la politique de l’enseignement du français dans ces mêmes écoles en 1980, par les enseignants francophones non français, c’est-à-dire les Éthiopiens formés par l’École normale supérieure de français. Le français n’est donc plus enseigné dans les écoles secondaires éthiopiennes.

1977-1978 : Terreur Rouge. Les membres de l’Ethiopian Peoples’ Revolutionnary Party, ou EPRP, ou Ihapa, et du MEISON, ou Mälla Ityopya Sosialist Näqnaqé, ou « Mouvement socialiste pan-éthiopien » sont pourchassés et exterminés par les troupes et les milices du Derg. Les élèves du Lycée durent assister à des « programmes de dénonciations des anti-révolutionnaires » (discours, chants révolutionnaires, slogans, présentation de « prisonniers politiques », menaces envers les « contre-révolutionnaires » supposés, et tout de même après quelques jours disparition de certains, rares heureusement, élèves du Lycée…).

1977-1978 : guerre de l’Ogaden (les troupes somaliennes envahissent le sud-est de l’Éthiopie, l’Ogaden, avant d’être vaincues grâce à l’aide des « pays socialistes frères » et surtout de Cuba qui envoya des milliers de soldats pour soutenir les Éthiopiens : voir l’ensemble monumental commémoratif construit par des Coréens du Nord sur la Churchill Avenue en 1984, ce qui correspondait également aux 10 ans de la révolution : cet ensemble se nomme Tiglachin).

1981 : le Lycée est obligé de s’ouvrir à des élèves non francophones (les enfants des dirigeants du Derg, ce qui montre l’importance du Lycée pour ces parents). Tous les élèves éthiopiens du Lycée doivent désormais passer le ESLCE (Ethiopian School Leaving Certificate Examination) en fin de classe de Première (12ème Grade). Cet examen est aujourd’hui interdit au Lycée : seuls les examens de 6eème Grade (fin de CM2) et de 8ème Grade (fin de Cinquième) peuvent être préparés et passés par nos élèves.

1981 : parce que les frais d’écolage ne peuvent pas être augmentés et parce qu’ils deviennent insuffisants, le Lycée ferme donc la classe d’accueil à la formation vétérinaire (1977-1979 et 1979-1981), faute de moyens financiers. Les étudiants éthiopiens, jusqu’à présent, recrutés sur concours, suivaient en effet des cours au Lycée avant de préparer un Diplôme d’Études Universitaires Générales en France (DEUG, deux ans après le Baccalauréat, depuis 1973), pour enfin intégrer une école vétérinaire.

1982 : la langue amharique est désormais enseignée au Lycée dès le niveau CE1 (du CE1 aux dernières classes du Lycée).

1982 : publication par Bernard Defores (professeur de biologie au Lycée), Renaud Plaisant et Daniel Verdiers (tous deux assistants du Bureau pédagogique de la Mission de coopération) de « Du français fonctionnel à l’enseignement fonctionnel des sciences » dans Transferts de formation, la mise à niveau linguistique et scientifique de cadres étrangers, Aupelf/Credif, Québec, Canada, 1982.

1983-1984 : publication de Langage au CP par le Bureau d’action linguistique (M. Baudin) et le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam (enseignants de 11ème : Mmes Baudouin, Fontraille, Moulounech, Palaprat et Chouareg, et MM. Bossolasco, Fontraille et Franco).

1984 : entre 1984 et 1985 deux famines concernent les populations éthiopiennes (l’une au sud du pays et une autre au nord : Tigray, Wello…) : entre 400 000 (source officielle) et 1 million de morts (sources non gouvernementales).

1984-1985 : mise en place des bourses au mérite pour les Bacheliers éthiopiens du Lycée, alors que depuis 1963 10% des Bacheliers éthiopiens du Lycée étaient automatiquement boursiers pour pouvoir poursuivre leurs études en France (les autorités françaises font donc des économies puisque moins de bourses sont accordées).

1989 : publication par Jean-Pierre Mordier (professeur au Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam d’Addis-Abeba de 1981 à 1988) avec l’Alliance éthio-française de Éthiopie, textes et documents pour l’histoire, Addis-Abeba, 1989 (163 pages).

1989 : commémoration du bicentenaire de la révolution française au Lycée (théâtre en costume, concours de dessins, projection cinématographique) et affirmation des idées révolutionnaires en pleine dictature.

1991 (25-26 mai) : face à l’avancée des troupes de l’EPRDF (Ethiopian People’s Revolutionnary Democratic Front), fermeture du Lycée et rapatriement des Français. Le lycée est mis en sommeil : c’est la fin, provisoire, de l’aventure de la Mission laïque française à Addis-Abeba. Suite au presque blocage des frais d’écolage pendant des années, au financement partiel par le Lycée des nouveaux professeurs résidents depuis la création de l’AEFE en 1990 (l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger), le Lycée est exsangue.

1991 (28 mai) : fin de la République démocratique et populaire d’Éthiopie. 10 soldats de l’EPRDF gardent le Lycée, bientôt relayés par les gardiens du Lycée, désormais armés, pour assurer leur mission, de 8 fusils automatiques Kalachnikovs.

1991 (02 juin) : Meles Zenawi, à la tête du TPLF (Tigray People’s Liberation Front) et de l’EPRDF, arrivé la veille de Londres, est à Addis-Abeba. Deux de ses enfants seront scolarisés au Lycée dans les années qui vont suivre.

1991 (03 juin) : un dépôt de munitions situé au sud d’Addis-Abeba explose (plus de 1 000 morts et plus de 10 000 sans-abri). Plus de 90 vitres des bâtiments du Lycée sont soufflées.

Pascal Bellier, professeur d’histoire et de géographie au Lycée franco-éthiopien Guebre-Mariam, octobre 2020.